Race, nation, classe by Balibar Étienne & Wallerstein Immanuel

Auteur:Balibar Étienne & Wallerstein Immanuel [Étienne, Balibar & Immanuel, Wallerstein]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782348041334
Éditeur: La Découverte
Publié: 2018-11-15T00:00:00+00:00

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Les structures du foyer domestique et la constitution de la force de travail dans l’économie-monde capitaliste1

PAR IMMANUEL WALLERSTEIN

Les foyers domestiques2 forment l’une des structures institutionnelles clés de l’économie-monde capitaliste. C’est toujours une erreur que de vouloir analyser les institutions sociales d’une manière transhistorique, comme s’il s’agissait d’une espèce dont chaque système historique ne produirait qu’une variété ou un genre. Les multiples structures institutionnelles d’un système historique donné sont plutôt des voies fondamentales spécifiques de ce système et constituent un ensemble d’institutions qui, imbriquées les unes aux autres, en rendent possible le fonctionnement.

Dans le cas présent, le système historique c’est l’économie-monde capitaliste considérée comme une entité historique à la fois unique et en développement. Plutôt que de comparer les foyers à des institutions hypothétiquement semblables (d’ailleurs souvent désignées par les mêmes appellations) qui relèvent d’autres systèmes historiques, c’est en analysant la façon dont ils s’imbriquent dans l’ensemble des institutions de ce système qu’on peut le plus utilement les appréhender. Certes, on peut raisonnablement se demander s’il n’existait pas dans les systèmes précédents une institution comparable à notre « foyer » actuel, mais la même chose peut être dite à propos d’autres concepts institutionnels tels ceux d’« État » ou de « classe ». De sorte que l’utilisation transhistorique de termes tels que « foyer » ne relève, au mieux, que de l’analogie.

Au lieu de nous perdre dans la recherche de liens éventuels entre les caractéristiques d’institutions dont il n’est pas certain qu’elles soient comparables, considérons plutôt le problème de l’intérieur de l’économie-monde capitaliste. L’accumulation illimitée de capital est la caractéristique du système en même temps que sa raison d’être. Avec le temps, cette accumulation illimitée pousse à la marchandisation de tout ce qui existe, à l’augmentation absolue de la production mondiale et à une division sociale du travail complexe et sophistiquée. Cet objectif d’accumulation présuppose un système de distribution polarisée où une majorité de la population mondiale constitue une force de travail destinée à produire une plus-value qui, d’une manière ou d’une autre, est distribuée à l’autre partie (minoritaire).

Quels sont, du point de vue des agents de l’accumulation, les problèmes que posent la production et la reproduction de cette force de travail mondiale ? Je pense que les agents de l’accumulation ont trois préoccupations majeures :

1. Ils gagneraient à avoir une force de travail dont l’utilisation soit flexible dans le temps. En d’autres termes, les entrepreneurs individuels voudraient n’avoir d’autres frais que ceux qui sont directement liés à la production et donc n’avoir pas à payer une rente à une force de travail non immédiatement utilisée, à titre d’option sur le futur. Mais d’un autre côté, chaque fois qu’ils veulent produire, ils veulent aussi disposer immédiatement de gens prêts à travailler. La périodicité des cycles de production dont on parle ici peut aller d’une décennie à l’autre, d’une année à l’autre, d’une semaine à l’autre, et même d’une heure à l’autre.

2. Ils gagneraient à avoir une force de travail dont l’utilisation soit flexible dans l’espace. En d’autres termes, les entrepreneurs individuels

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